Пьер де Ронсар. Стихи к Марии Стюарт

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Pierre de Ronsard

На прощание

Перевод В. Левика

Как может петь поэт, когда, полны печали,
Узнав про ваш отъезд, и музы замолчали?
Всему прекрасному приходит свой черед,
Весна умчится прочь, и лилия умрет.
Так ваша красота во Франции блистала
Всего пятнадцать лет, и вдруг ее не стало,
Подобно молнии, исчезнувшей из глаз,
Лишь сожаление запечатлевшей в нас,
Лишь неизбывный след, чтоб в этой жизни бренной
Я верность сохранил принцессе несравненной.

Au départ

Comment pourroient chanter les bouches des poètes,
Quand par votre départ les Muses sont muettes?
Tout ce qui est de beau ne se garde longtemps,
Les roses et les lys ne règnent qu’un printemps.
Ainsi votre beauté seulement apparue
Quinze ans en notre France, est soudain disparue,
Comme on voit d’un éclair s’évanouir le trait
Et d’elle n’a laissé sinon le regret,
Sinon le déplaisir qui me remet sans cesse
Au cœur le souvenir d’une telle princesse.

1561

Marie Stuart à Fontainebleau

Bien que le trait de votre belle face
Peinte en mon coeur par le temps ne s'efface,
Et que toujours je le porte imprimé
Comme un tableau vivement animé,
J'ai toutefois, pour la chose plus rare
Dont mon étude et mes livres je pare,
Votre semblant qui fait honneur au lieu
Comme un portrait fait honneur à son Dieu.
Vous n'êtes vive en drap d'or habillée,
Ni les joyaux de l'Inde dépouillée,
Riches d'émail et d'ouvrages, ne font
Luire un beau jour autour de votre front;
En votre main des plus belles la belle
N'a rien sinon sa blancheur naturelle,
Et vos longs doigts, cinq rameaux inégaux,
Ne sont pompeux de bagues ni d'anneaux,
Et la beauté de votre gorge vive
N'a pour carcan que sa blancheur naïve.
Un crêpe long, subtil et délié,
Pli contre pli retors et replié,
Habit de deuil, vous sert de couverture
Depuis le chef jusques à la ceinture,
Qui s'enfle ainsi qu'un voile quand le vent
Souffle la barque et la cingle en avant.
De tel habit vous étiez accoutrée
Partant, hélas! de la belle contrée
Dont aviez eu le Sceptre dans la main,
Lorsque pensive, et baignant votre sein
Du beau cristal de vos larmes roulées,
Triste marchiez par les longues allées
Du grand jardin de ce royal Château
Qui prend son nom de la source d'une eau.
Tous les chemins blanchissaient sous vos voiles,
Ainsi qu'on voit blanchir les rondes voiles
Et se courber bouffantes sur la mer,
Quand les forçats ont cessé de ramer,
Et la galère au gré du vent poussée
Flot dessus flot s'en va toute élancée
Sillonnant l'eau, et faisant d'un grand bruit
Pirouetter la vague qui la suit.
Lors les rochers, bien qu'ils n'eussent point d'âme,
Voyant marcher une si belle Dame,
Et les déserts, les sablons, et l'étang
Où vit maint cygne habillé tout de blanc,
Et des hauts pins la cime de vert peinte
Vous contemplaient comme une chose sainte,
Et pensaient voir, pour ne voir rien de tel,
Une Déesse en habit d'un mortel
Se promener, quand l'Aube retournée
Par les jardins poussait la matinée,
Et vers le soir, quand déjà le Soleil
A chef baissé s'en allait au sommeil...

Le départ de Marie Stuart

Comme un beau pré dépouillé de ses fleurs,
Comme un tableau privé de ses couleurs,
Comme le ciel s'il perdait ses étoiles,
La mer ses eaux, le navire ses voiles,
Un bois sa feuille, un antre son effroi,
Un grand Palais la pompe de son Roi
Et un anneau sa perle précieuse:
Ainsi perdra la France soucieuse
Ses ornements, perdant la royauté
Qui fut sa fleur, sa couleur, sa beauté.
Dure Fortune, indomptable et félonne...
A peine était sortie hors du berceau,
Que tu la mis en mer sur un vaisseau,
Abandonnant le lieu de sa naissance,
Sceptre et parents, pour demeurer en France.
Lors en changeant de courage malin,
La regardas d'un visage bénin,
Et d'orpheline ensemble et d'étrangère
(Hà, que tu es inconstante et légère!)
La marias au fils de notre Roi,
Qui depuis tint la France dessous soi.
Puis en l'ayant, ô Fortune insensée!
Jusqu'au sommet des grands honneurs poussée,
Tu as occis à seize ans son mari,
Ni plus ni moins qu'en un jardin fleuri
Meurt un beau Lis quand la pluie pesante
Aggrave en bas sa tête languissante,
Ou comme au soir la rose perd couleur
Et meurt séchée, alors que la chaleur
Boit son humeur qui la tenait en vie,
Et feuille à feuille à bas tombe fanie.
Sa belle épouse, atteinte de souci,
Après sa mort est demeurée ainsi
Qu'on voit au bois la veuve tourterelle,
Ayant perdu sa compagne fidèle:
Jamais un autre elle ne veut choisir,
Car par la mort est mort tout son désir.
Ni pré ni bois son regret ne console,
Et d'arbre en arbre au point du jour ne vole,
Ains se cachant dedans les lieux secrets,
Seulette aux vents raconte ses regrets,
Se paît de sable, et sans ami se branche,
En soupirant, sur une sèche branche.
Fortune, hélas! ne suffisait-il pas
De l'offenser d'un si piteux trépas,
Sans lui remplir si traîtrement sa terre
D'opinions, de sectes, et de guerre
Bander son peuple aux armes tant prisé
Avant qu'il fût par sectes divisé?
Si la fureur de tes mains tant cruelles
Ont tel pouvoir sur les choses si belles,
Si l'équité, la bonté, la pitié,
Porter au vice extrême inimitié,
Si la vertu, la chasteté de vie,
N'ont résisté à ta cruelle envie,
Qu'espérons-nous de notre humanité?...
Tu n'es encore, ô Fortune! contente:
Ta cruauté notre douleur augmente
En nous voulant priver de ses beaux yeux,
Yeux qui font honte aux étoiles des cieux,
Nous dérobant cette beauté divine,
Pour la donner aux flots de la marine...
Hà! je voudrais, Ecosse, que tu pusses
Errer ainsi que Dèle, et que tu n'eusses
Les pieds fermés au profond de la mer!
Hà! je voudrais que tu pusses ramer,
Ainsi que vole une barque poussée
De mainte rame à ses flancs élancée,
Pour t'enfuir longue espace devant
Le tard vaisseau qui t'irait poursuivant,
Sans décharger jamais à ton rivage
La belle Reine à qui tu dois hommage.
Puis elle adonc, qui te suivrait en vain,
Retournerait en France tout soudain
Pour habiter son duché de Touraine.
Lors de chansons j'aurais la bouche pleine,
Et en mes vers si fort je la lou'rais
Que comme un cygne en chantant je mourrais.
Pour mon objet j'aurais la beauté d'elle,
Pour mon sujet sa constance immortelle,
Où maintenant la voyant absenter
Rien que douleur je ne saurais chanter.
Sus, Elégie en noir habit vêtue!
Monte au plus haut d'une roche pointue,
Cherche les bois des hommes séparés,
Fuis-t'en aux lieux qui sont plus égarés,
Et, te plaignant à l'entour des rivières,
Raconte aux vents que je perdis naguères
Une Maîtresse, une perle de prix,
Et une fleur, la fleur des bons esprits,
Une divine et rare Marguerite
Qui pour la France en la Savoie habite,
Et maintenant une Reine je perds,
Qui fut l'honneur de France et de mes vers.