«Sur la mort de François II…»
En mon triste et doux chant
D'un ton fort lamentable,
Je jette un deuil tranchant,
De perte irréparable,
Et, en soupirs cuisants,
Passe mes meilleurs ans.
Fut-il un tel malheur
De dure destinée,
Ni si triste douleur
De dame infortunée
Qui mon cœur et mon œil
Voit en bière et cercueil?
Qui, en mon doux printemps,
Et fleur de ma jeunesse,
Toutes les peines sens
D'une extrême tristesse ;
Et en rien n'ai plaisir
Qu'en regret et désir.
Ce qui m'était plaisant
Ores m'est peine dure;
Le jour le plus luisant
M'est nuit noire et obscure;
Et n'est rien si exquis
Qui de moi soit requis.
J'ai au coeur et à l'oeil
Un portrait et image
Qui figure mon deuil
En mon pâle visage
De violettes teint,
Qui est l'amoureux teint.
Pour mon mal étranger
Je ne m'arrête en place ;
Mais j'en ai beau changer,
Si ma douleur n’efface,
Car mon pis et mon mieux
Sont les plus déserts lieux.
Si, en quelque séjour,
Soit en bois ou en pré,
Soit à l'aube du jour
Ou soit à la vesprée,
Sans cesse mon coeur sent
Le regret d'un absent.
Si parfois vers ces lieux
Viens à dresser ma vue,
Le doux trait de ses yeux
Je vois en une nue;
Ou bien le vois en l'eau
Comme dans un tombeau ;
Si je suis en repos,
Sommeillante sur ma couche
J'ois qu'il me tient propos,
Je le sens qu'il me touche.
En labeur, en recoy,
Toujours est près de moi.
Mets, chanson, ici fin
A si triste complainte
Dont sera le refrain :
Amour vraie et non feinte
Pour la séparation
N'aura diminution.
1560.
"In my sad, quiet song"
In my sad, quiet song,
A melancholy air,
I shall look deep and long
At loss beyond compare,
And with bitter tears,
I'll pass my best years.
Have the harsh fates ere now
Let such a grief be felt,
Has a more cruel blow
Been by Dame Fortune dealt
Than, O my heart and eyes!
I see where his bier lies?
In my springtime's gladness
And flower of my young heart,
I feel the deepest sadness
Of the most grievous hurt.
Nothing now my heart can fire
But regret and desire.
He who was my dearest
Already is my plight.
The day that shone the clearest
For me is darkest night.
There is nothing now so fine
That I need make it mine.
Deep in my eyes and heart
A portrait has its place
Which shows the world my hurt
In the pallor of my face,
Pale as when violets fade,
True love's becoming shade.
In my unwonted pain
I can no more be still,
Rising time and again
To drive away my ill.
All things good and bad
Have lost the taste they had.
And thus I always stay
Whether in wood or meadow,
Whether at dawn of day
Or at the evening shadow.
My heart feels ceaselessly
Grief for his loss to me.
Sometimes in such a place
His image comes to me.
The sweet smile on his face
Up in a cloud I see.
Then sudden in the mere
I see his funeral bier.
When I lie quietly
Sleeping upon my couch,
I hear him speak to me
And I can feel his touch.
In my duties each day
He is near me alway.
Nothing seems fine to me
Unless he is therein.
My heart will not agree
Unless he is within.
I lack all perfection
In my cruel dejection.
I shall cease my song now,
My sad lament shall end
Whose burden aye shall show
True love can not pretend
And, though we are apart,
Grows no less in my heart.